PATIENTS TV
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Trou Noir de Mémoire
PATIENTS TV
Guy Le Rochais
Jean-Luc Novella
François Blanchard
Boris Cyrulnik
PATIENTS TV. Une émission animée par Jean-François Lemoine
Bonjour et bienvenue sur PATIENTS TV
au moment où la France lance un plan Alzheimer ambitieux,
nous aborderons aujourd'hui cette maladie sous un angle inhabituel
l'angle de la communication. Alors parler de communication
dans une maladie qui a plutôt la réputation d'être un emmurement progressif
peut paraître un paradoxe. Et pourtant comme vous allez le voir
dans les reportages, à chaque étape de l'évolution de la maladie d'Alzheimer,
aucune n'échappe à la question des maux pour un mal qui
se vit ou plutôt se vivait souvent dans le silence et dans le secret.
Cette émission est réalisée dans les conditions du direct
vous pourrez donc intervenir dans la discussion finale.
N'hésitez pas à nous appeler et à poser vos questions par sms
sur le numéro qui va s'afficher sur cet écran.
Tapez JC suivi de 31 000
Mais d'abord avec vous François Blanchard. Vous êtes Professeur de santé publique
chef du service de gériatrie du CHU de Reims
et Président de l'Association Francophone des Droits de l'Homme Agé, je n'oublie rien ?
Très bien
Je vais vous demander de faire la fiche d'identité de cette maladie.
C'est une maladie ancienne mais qui est devenue une maladie du 21ème siècle
François Blanchard, Gériatre CHU de Reims
essentiellement parce que la population vieillit.
En fait c'est une maladie qui est liée à l'âge, c'est une maladie du cerveau
avec une atteinte des neurones dans des zones spécifiques qui se traduit
par des troubles de la mémoire et puis avec l'évolution
d'autres troubles du comportement ou du jugement.
Est-ce qu'on a une idée un peu de son origine ?
à quoi elle était due ?
On ne connaît pas encore les causes même de la maladie.
On connaît mieux les mécanismes, c'est déjà un progrès
ce qui permet de voir quelques traitements.
A vrai dire, c'est un vrai problème de santé publique puisque actuellement
en France, on a à peu près 700 000 malades,
qui sont atteints de cette maladie.
700 000 diagnostiqués ?
Non, estimés, et un peu plus de la moitié clairement diagnostiqués
Les autres, ce sont des projections à partir d'enquêtes qu'on a fait
dans différents départements, en particulier en Aquitaine.
Un vrai problème de santé publique qui nécessitait un plan.
Absolument
Alors nous allons un peu artificiellement peut-être découper l'histoire de la maladie
en 3 parties mais qui nous semblent représenter les 3 étapes essentielles
La période contemporaine de l'installation,
les premiers symptômes, celle qu'on appelle l'annonce,
ensuite celle où il faut vivre avec cette maladie qui bouleverse le quotidien
avec une évolution hélas toujours péjorative,
enfin ce que j'appelle peut-être un peu brutalement la première mort de l'Alzheimer,
lorsque le monde extérieur ne semble plus avoir de réalité,
pour celui qui vit plus que dans des souvenirs opaques.
Le passage de relais entre la famille et les structures d'accueil sera la 3ème partie.
1er reportage "Trou de Mémoire, l'Annonce". Nous allons au CHU de Reims.
Nous allons au CHU de Reims.
Il y a combien de temps que tu le sais ? Elle n'avait pas mis
Hier, parce qu'elle n'avait pas mis le nom dessus.
Elle savait qu'elle avait quelque chose mais elle n'avait jamais mis de nom,
et c'est le Docteur Novella qui lui a dit hier.
William et Chantal
Et vous savez ce que ça veut dire la maladie d'Alzheimer ?
Oui
Oui ?
Oui mais, ça s'envole, un papillon, comme, hein ?
TROU NOIR DE MEMOIRE - L'ANNONCE -
La définition de la maladie c'est : il y a une atteinte
des grandes fonctions cérébrales, dont la mémoire
et cette atteinte doit être mesurée, quantifiée
c'est toute l'utilité des tests en général,
Pr. Jean-Luc Novella Neurologie/Gériatrie CHU de REIMS
que de voir un peu où on en est, mais il n'y a pas qu'une atteinte de la mémoire.
On va aussi quantifier quelle est l'atteinte sur le langage,
quelle est l'atteinte sur ce qu'on appelle les fonctions exécutives, finalement
les capacités intentionnelles, les capacités de jugement,
les capacités d'abstraction.
Evaluer aussi les atteintes sur tout ce qui est gestes donc les praxies,
la reconnaissance des choses.
Je ne peux pas faire la cuisine parce que j'ai
c'est vrai qu'elle ne fait plus grand-chose
Je ne fais plus grand-chose
C'est pas qu'elle ne veut pas, c'est qu'elle ne peut plus,
donc c'est moi
Et pourquoi vous ne pouvez plus ?
parce qu'elle ne sait pas, elle ne sait plus, les gestes ne marchent plus
dans la vie comme beaucoup de choses, les quantités n'en parlons même pas,
faire cuire un oeuf dur, comment marche le minuteur, elle ne sait pas,
donc c'est tout un tas de petits détails comme ça qui font que
elle n'y arrive plus.
Alors que je lui appris la cuisine
oui c'est elle qui m'a appris.
La veille au CHU de Reims
Comment ça va madame Didiot ?
ça va
Le bras, il va bien ?
Oui, oui oui oui
L'appétit aussi ?
Oui
Vous dormez bien en ce moment ?
Ah je dors toujours bien
Toujours toujours ?
Ah oui
Est-ce que vous êtes toujours anxieuse ?
un peu un peu, hein
Moins qu'avant
Oh oui, non, si
Moins qu'avant, oh oui, hein
Ces problèmes de mémoire, ils ne sont pas liés à votre âge,
ils ne sont pas liés au fait que vous avez envie ou pas envie,
ils sont liés à une maladie que selon moi le plus probable est qu'il s'agit
d'une maladie d'Alzheimer. C'est pour ça que je vous traite, que je vous suis
par rapport à cette patiente, c'est pas véritablement une annonce
c'est une ré-annonce
le temps de l'annonce quand vraiment c'est une découverte
tant pour le patient que l'accompagnant, ça prend beaucoup plus de temps
généralement c'est aussi à des stades plus précoces, ce qui fait que
j'entoure le diagnostic de mes propres doutes
parce que c'est un diagnostic de conviction au regard d'un bilan.
Et vous pensez que dans une ½ heure elle aura oublié ce que vous lui avez dit ?
Je pense qu'en grande partie oui,
pour ce qui la concerne oui.
Le lendemain au domicile de William et Chantal
Moi il y a longtemps que je le sais, je le savais c'est tout, mais bon,
comme ça n'était pas à moi à lui dire
Et la première fois que ce mot a été mis sur sa maladie ?
Ah pour moi, ça a été la catastrophe, ça a été très dur pour moi
parce qu'on est jeunes, enfin on est jeunes oui
on n'est pas si vieux que ça pour avoir ce genre de maladie
je trouve que c'est très jeune. D'ailleurs le docteur n'y croyait pas au début
le docteur, la famille, enfin le médecin généraliste.
Il était étonné car elle avait 59 ans
quand ça a commencé, donc
moi je lui disais "il y a quand même des trucs qui me paraissent bizarres"
mais ça n'est pas ça, puis en fin de compte, c'était quand même bien ça.
à suivre ....
Boris Cyrulnik, vous êtes éthologue et aussi neuropsychiatre
vous êtes connu pour vos écrits et même célèbre
pour avoir développé le concept de résilience que je
traduirai sans doute imparfaitement par "renaître de sa souffrance",
je vous ai vu réagir au moment où Chantal disait "comme un papillon",
on a même pensé un moment appeler cette émission "Comme un Papillon" mais
l'image n'est peut-être pas parfaite, qu'en pensez-vous ?
Boris Cyrulnik Neuro-psychiatre, Toulon
Boris Cyrulnik Neuro-psychiatre, Toulon
car les patients au début de l'Alzheimer emploient souvent cette métaphore
"ça s'envole, ça volette" et ça veut dire "mon âme se disperse"
c'est une phrase que j'ai souvent entendue "mon âme se disperse".
pour nous c'est une jolie métaphore, mais pour eux c'est
"je ne me maîtrise plus tout à fait, je ne sais plus où je vais".
Jolie métaphore pour une maladie qui n'est pas très jolie en fait.
Alors, vous faites la différence dans vos écrits entre l'épreuve et le traumatisme
peut-on dire que l'annonce de la maladie, c'est un traumatisme pour le malade
mais par contre c'est une épreuve qui commence pour l'entourage ?
C'est un traumatisme pour le patient car tant qu'il a une représentation de ce qui lui arrive
il est déchiré, ce qui fait partie de la définition du traumatisme
"je ne sais plus qui je suis, je ne sais plus comment je vais faire pour répondre
à toutes ces informations", et c'est une épreuve et un traumatisme
pour l'entourage.Une épreuve parce que l'entourage lui, va avoir à affronter
la maladie de quelqu'un qu'il aime encore
et c'est un traumatisme. Tant qu'il ne sait pas comment faire
tant qu'il n'est pas aidé pour affronter cette épreuve
ce sera un traumatisme.
Vous dîtes que, justement, dans le cas d'un traumatisme,
les personnes demeurent prisonnières de leur passé,
et revoient bien souvent pendant des années les images de l'horreur
qu'elles ont vécues mais excusez-moi, dans l'Alzheimer c'est l'inverse.
Une fois que la maladie est avancée
c'est l'inverse en effet, mais au début
tant qu'on n'est pas encore sûr du diagnostic
tant qu'on y pense et qu'on n'ose pas encore clairement l'affirmer,
il y a un retour du passé très fort, c'est-à-dire
qu'il y a une reviviscence.
En tant que personne âgée, on a une association "tout ce que je perçois
est chargé d'histoire, est relié à des tas
d'évènements de ma vie."
Or, dans les débuts d'Alzheimer, très souvent se produit une reviviscence
des problèmes non traités. Ensuite effectivement
quand les troubles de la mémoire sont aggravés
là on ne se rappelle plus son passé.
Vous dîtes aussi que c'est souvent dans le discours des autres
sur la personne après l'évènement qu'il faut rechercher
à comprendre l'effet dévastateur d'un traumatisme
là vous nous donnez une piste sur l'attitude théorique à tenir devant ces malades.
Oui, il faut se méfier de la manière dont on parle
dont on "parle la maladie". Je commets volontairement cette faute de français
parce que "parler la maladie" c'est une manière de la constituer
si on emploie des métaphores végétales
c'est "une légume", on va se comporter avec cette personne
comme il est normal de se comporter avec "une légume".
A ce moment-là on va aggraver son processus et augmenter les symptômes,
c'est-à-dire que les lésions étant les mêmes, les symptômes seront majorés
par le récit qu'on en fait. On ne va plus lui parler,
si on pense qu'elle ne comprend plus rien, on ne va plus s'adresser à elle
et on va oublier qu'il y a autre chose que les mots qui communiquent.
Vous normalisez le plus possible le discours dans la 1ère phase de l'Alzheimer.
Je ne dirais pas normaliser, je dirais presque compenser.
Puisque les mots commencent à échapper, il faut compenser avec
une autre manière de sémantiser :
les gestes, les hypermimies,
Boris Cyrulnik Neuro-Psychiatre, Toulon
et là on s'aperçoit que ces gens ont encore
une vie affective beaucoup plus lente, beaucoup plus
longue que ce qu'on croyait et qu'ils comprennent les gestes
beaucoup plus longtemps que ce qu'on croyait.
Donc il faut sémantiser avec notre corps
ce qu'eux ne peuvent plus sémantiser avec leurs mots.
On va revenir sur cette communication mais auparavant, je voudrais
poser une question à Guy Le Rochais. Vous êtes Vice-président de
l'Association FRANCE ALZHEIMER
et Président de l'accueil thérapeutique de jour "Le Grand Platane".
Quand a préparé cette émission, on a cherché à avoir des
témoignages, et on a l'impression que des journalistes
comme moi parlent beaucoup de l'Alzheimer
c'est une maladie très médiatisée, peut-être trop
dit-on parfois, et pourtant on a eu énormément de problèmes
pour trouver des témoignages. Est-ce que c'est normal ?
Une précision dans les titres que vous avez énoncés
Guy Le Rochais Vise-président délégué "FRANCE ALZHEIMER"
Je suis d'une famille de malade également puisque j'ai accompagné
ma belle-mère pendant 14 ans.
Fort de cette expérience, à l'époque on m'aurait demandé
est-ce qu'on peut filmer votre belle-mère, j'aurais probablement dit non
par crainte de la choquer.
par éthique vis-à-vis d'elle-même.
Alors qu'aujourd'hui, je cours après les familles
pour qu'elles acceptent effectivement car ma conviction
est que plus on va en parler, mais avec des mots qui ont du sens,
ce qu'a dit monsieur Cyrulnik,
c'est important car ces mots ont un véritable sens,
il est important de pouvoir en parler, de le montrer.
A ceci près que bien souvent les gens s'imaginent
qu'un malade d'Alzheimer pour schématiser c'est "un vieux qui perd la tête".
Or on sait et ces images le prouvent, que c'est toute autre chose
quand au processus évolutif de la maladie.
Et cela vous choque que l'on montre l'Alzheimer ?
Que les médias soient si friands ?
Ca me choque et c'est pourtant nécessaire.
Pourquoi ça vous choque ?
Parce que c'est une personne qui se montre sous un aspect douloureux de perte.
Mais cette maladie est plus honteuse qu'une autre ?
Non c'est une maladie, donc les maladies ne sont pas honteuses
Au Moyen Age on disait que les maladies étaient honteuses
on disait même qu'il fallait avoir beaucoup péché
pour avoir une maladie pareille.
Oui mais on n'a aucun problème pour montrer
quelqu'un qui vient de faire un infarctus
mais par contre Alzheimer comme le cancer
Oui comme beaucoup d'autres maladies à cause
à cause de la manière dont on en parle, à cause du statut
qu'elle a dans la culture. Le jour où on dira
la maladie d'Alzheimer est une maladie de tel neurone qui a
tel déficit neurobiologique
ce ne sera plus difficile d'en parler. On pourra en parler librement
parce que la maladie sera en quelque sorte intégrée dans
le corpus, alors qu'actuellement il y a encore cette notion
de dégénérescence qui blâme un peu ces patients et leur famille.
François Blanchard, a-t-on une idée de la part réelle de souffrance
de quelqu'un qui découvre qu'il est atteint d'Alzheimer ?
Dans les témoignages, on voit toujours des gens très doux, mais
que se passe-t-il quand vous faites cette annonce ?
Alors je crois que premièrement, comme le disait
le professeur Novella, il faut la nuancer.
François Blanchard Gériatre, CHU de Reims
Le temps du secret où
on cache au malade sa maladie est largement dépassé
à la fois d'un point de vue qualité de la relation
et qualité du soutien thérapeutique mais aussi
au nom de la vérité qu'on doit aux gens qu'on prend en charge.
et puis il est prouvé que l'annonce du diagnostic même si elle est douloureuse
va quelquefois aider à mieux structurer la prise en charge après.
Est-ce que ces personnes souffrent ? Vous savez, je ne suis pas dans la peau,
et personne d'entre nous sur ce plateau n'est dans la peau d'un malade.
La seule chose que je peux dire est que vraisemblablement il y une vraie souffrance
psychique mais qu'elle est antérieure à l'annonce du diagnostic.
Souvent, les gens viennent ou sont amenés par leur famille parce que ça ne va pas
il y a de l'angoisse, et de l'angoisse sur quelque chose qui ne va pas.
et je dirais d'une certaine manière la souffrance elle est là
avant qu'on dise le diagnostic,
mais elle est là aussi quelquefois à l'inverse, pour soulager la souffrance
Jean-Luc Novella, vous êtes professeur de santé publique,
on vous a vu dans ce reportage, Gériatre, Responsable de l'hôpital
de jour de Neurogériatrie au CHU de Reims
Est-ce qu'elle est fondamentale cette annonce ?
on vous a vu faire une ré-annonce mais
est-ce qu'il y a une première annonce qui est plus fondamentale
que la suite ?
Oui parce qu'elle conditionne la prise en charge.
L'annonce, elle suppose un bilan
Jean-Luc Novella Gériatre, CHU de Reims
donc en fait, c'est un cheminement déjà en soi entre le praticien qui va faire l'annonce
et un patient qui lui, vient avec ses doutes, ses angoisses
ses peurs. Mais il arrive effectivement
en pressentant quelque chose. Le bilan de qualité
est là pour finalement s'assurer qu'on est bien sur un état pathologique
et lequel, et communiquer autour de cet état pathologique
parce qu'il va conditionner toute une prise en charge, sur lequel on va certes
envisager des traitements
mais demander aussi un vrai investissement au patient
et finalement de se battre avec nous contre la maladie.
Vous dites aussi dans ce reportage que vous entourez cette annonce
de doutes. Alors, c'est le doute du médecin
qui ne sait pas, ou pour atténuer le choc de ce couple qui est face à vous ?
Non, si je suis très strict avec l'état de connaissance qui est
le mien, si j'avais un diagnostic de certitude
cela suppose que j'ai examiné en détail le cerveau du patient
et donc qu'il n'est plus de ce monde.
A partir de là et selon les stades, plus on est au stade précoce
plus on doit s'entourer de ce doute
et le faire partager au patient.
Vous croyez que ce doute est positif ?
De voir un médecin douter ça n'est pas quelque qui généralement
rassure, particulièrement le patient.
Non non, je crois que dans l'annonce il y a aussi
Vous ouvrez la porte à l'espoir hein !
pas toujours non.
C'est : le plus probable selon c'est moi, c'est ça.
Il s'agit d'une maladie d'Alzheimer, je le pense très honnêtement
Le suivi me permettra de le confirmer
mais au moment où je vois le patient, et surtout quand on est au stade précoce
il est arrivé je pense à tout bon médecin, même spécialiste,
d'avoir à corriger un diagnostic secondairement.
François Blanchard, vous vous trompez souvent ?
Je peux me tromper bien sûr.
Non mais ça vous arrive .......
Non pas très souvent parce je suis quand même assez spécialisé
dans ces domaines, mais ce que je voulais dire pour compléter
les propos du professeur Novella, c'est que
l'annonce est faite souvent à la famille d'une manière et au malade d'une autre
François Blanchard Gériatre, CHU de Reims
et chacun reste ambivalent. Il y a des patients auxquels on va l'annoncer 4 fois
et qui ne vont pas "entre guillemets" le retenir.
Y a-t-il un mode habituel de réaction face à cette annonce ?
parce que, vu la médiatisation de la maladie
quand on annonce ce diagnostic, c'est quand même
assez effroyable. Est-ce qu'il y a un type de réaction ?
Le plus fréquent, c'est que les gens s'en doutent.
Aussi bien la famille que le patient, ils se doutent.
Ils ont ça dans la tête, donc on fait une confirmation d'un doute
qui est déjà là. J'ai rarement vu des patients s'effondrer,
les familles plus souvent parce que c'est vraiment très douloureux.
Et j'ai vu aussi, comme je vous le disais précédemment,
des formes de soulagement parce qu'on met enfin un nom
sur des comportements et des symptômes qui étaient extrêmement angoissants,
donc le fait de nommer la maladie en tant que telle
peut quelquefois, de manière paradoxale, permettre de commencer à comprendre
ce qui se passe, et donc on va pouvoir faire quelque chose.
Il vous faut combien de temps pour l'annoncer ?
Vous allez voir le sens de ma question après. Ca peut être rapide ?
Non, ça ne peut absolument pas être rapide, jamais.
Je ne peux pas vous dire "annoncez-moi que j'ai un Alzheimer"
et voir comment vous allez me l'annoncer ?
Il vous faut combien de temps ?
En général, en gériatrie, c'est 45 minutes.
Est-ce que Guy Le Rochais, tout le monde met je dirais ce tact
pour annoncer la maladie d'Alzheimer ?
Non bien sûr, chacun a ses convictions.
Encore qu'elles aient bien évolué car il y a beaucoup de concertations
notamment grâce au professeur Blanchard en termes d'éthique.
Pour autant, j'aimerais préciser un point qui me paraît très important.
pour le malheureux consommateur de maladies que je suis.
L'annonce du diagnostic n'est pas toujours le début de la maladie.
On confond annonce du diagnostic et début de la maladie.
Mais le diagnostic est posé à des stades très différents de la maladie.
Effectivement, par rapport à votre question précédente, la réaction de la famille
va être aussi en fonction du stade.
Si la famille n'a aucun doute, ça va être extrêmement douloureux.
En règle générale, vous dîtes que les gens sont un peu prémédiqués
ils ont eu des symptômes qui les ont inquiétés, qui ont inquiété l'entourage.
Ils arrivent souvent François Blanchard avec déjà le diagnostic en tête ?
Les situations sont très diverses. Il faut le dire, et c'est un vrai progrès
depuis quelques années, le diagnostic se fait de manière plus précoce.
Et plus il est précoce, plus on pourra avoir une action efficace.
Mais on diagnostique encore des gens à un stade très tardif
et comme je vous le disais au début, il y encore près de la moitié des malades
qui actuellement ne sont pas diagnostiqués parce qu'on confond toujours
perte de mémoire et vieillissement qui n'ont rien à voir.
Il n'y a aucune raison de perdre la mémoire en vieillissant.
Il y a encore plein de gens - y compris les médecins - qui le disent
Alors, est-ce qu'on prend en compte la souffrance psychologique ?
Jean-Luc Novella, je vais être caricatural, est-ce qu'il y a
toujours un psychologue dans la pièce à côté quand vous
faites l'annonce ?
Ce serait bien. Dans la pratique,
Jean-Luc Novella Gériatre, CHU de Reims
quelques centres disposent d'un psychologue qui peut
encadrer effectivement un diagnostic mais surtout qui peut
revoir de façon précoce un patient, sa famille pour voir
comment a été vécu le diagnostic, et ça ce serait l'idéal.
Mais dans la pratique très peu de consultations mémoire spécialisées
disposent d'un tel luxe. PATIENTS TV
On voit toujours dans l'Alzheimer le couple.
Evidemment, ce sont les médias qui parlent de ça.
On dit toujours que ça se vit à 3 : le médecin, le malade, et son entourage.
On ne parle jamais de l'Alzheimer seul. Est-ce qu'il existe ?
Bien sûr et de plus en plus.
Et comment se passe-t-il ?
Il se passe très mal.
Bien évidemment, une personne qui a déjà la chance
d'avoir une famille autour d'elle va avoir beaucoup de mal à vivre
ce double traumatisme dont parlait monsieur Cyrulnik
A partir du moment où la personne est seule,
ça devient un problème de la vie de tous les jours.
car fond, on parle beaucoup des troubles de la mémoire
mais on parle peu ou pas assez en tout cas des troubles du comportement
et c'est ceux-là qui sont les plus durs à gérer. PATIENTS TV
Donc une personne seule ne pourra être aidée que par des gens de l'extérieur.
Or déjà les familles aujourd'hui qui ont les moyens PATIENTS TV
et sont structurées pour se faire aider de l'extérieur PATIENTS TV
n'y arrivent pas. Donc imaginons
une personne seule, ça devient insoluble. PATIENTS TV
Est-ce qu'il y a des gens qui exigent d'être seuls parce qu'ils veulent mentir
à leur entourage sur le diagnostic ?
François Blanchard
Exceptionnellement, ça peut arriver en tout début de maladie mais c'est
vraiment une situation exceptionnelle. En général
le diagnostic est toujours fait d'ailleurs en présence de la personne qui a amené
la personne malade.
D'un point de vue strictement déontologique, c'est seulement au malade.
C'est bien quand on peut le faire mais le plus souvent
c'est une annonce conjointe à l'accompagnant.
Jean-Luc Novella, combien de temps va durer cette 1ère phase ?
On va voir maintenant la 2ème.
Cette phase d'installation de la maladie, elle dure combien de temps ?
PATIENTS TV. La phase des premiers symptômes où le patient reste très autonome
sans difficulté ? Ca dure quelques années.
Oui, François Blanchard ?
C'est un point très intéressant car par rapport à l'image de la maladie,
on peut dire qu'il y a toute une longue phase de la maladie
où c'est la maladie d'Alzheimer sans démence.
C'est important d'en prendre conscience car vraiment on peut garder une qualité
relationnelle un certain temps avec la personne. Elle peut rester
dans un environnement un peu protégé mais mener une vie quasiment normale
en étant un peu aidée. C'est très important, c'est toute cette phase
d'Alzheimer sans démence.
C'est d'autant plus important que c'est à cette phase qu'on peut intervenir.
La maladie est installée, il faut continuer à vivre, c'est le cas de Chantal et William
que l'on retrouve.
Ca veut dire que c'est un peu un enfant quelque part ?
Oui c'est vrai, malheureusement comme vous dites, c'est un peu un enfant,
considéré comme un enfant.
William et Chantal
Mais l'adulte et l'enfant, ça n'est quand même pas pareil.
C'est vrai que ça fait drôle. L'habiller ce n'est rien, mais quand on a des problèmes,
elle a eu des problèmes un peu plus conséquents, et ce n'est pas évident
pour un mari, prendre la douche et tout ......
TROU NOIR DE MEMOIRE - VIVRE AVEC -
Aujourd'hui, elle a UN vrai repère dans son existence
Pr Jean-Luc Novella Neurologie/Gériatrie, CHU de Reims
c'est monsieur Didiot. Tout pour elle s'organise autour de ce repère.
Pour lui, ça peut le mettre en porte-à-faux parce qu'effectivement
il n'a plus un instant pour lui. C'est aussi le but de l'aide
d'essayer, tout en rendant service à madame Didiot,
de libérer un peu monsieur Didiot.
Consultation Hôpital de Jour Neurologie/Gériatrie, CHU de REIMS
Ici, oui, tout au bout.
Un poisson, un hibou, une plume, un château fort.
En médicamenteux, on dispose aujourd'hui de 2 classes thérapeutiques.
Alors, qu'est-ce que c'est que ça ?
Ce que j'en attends c'est
m'aider à ralentir une évolution,
ce qui veut dire que dans le suivi, je dois m'organiser pour voir
si le produit que j'ai mis en place, quel qu'il soit, fait ce que j'attends de lui
Bilan orthopédique, CHU de Reims
Je vais vous donner le début du mot, d'accord ?
C'est un ?
Je ne sais pas, un faisan ?
C'est une ..... ce n'est pas une carpe
ok, on passe ?
on passe oui
Vous venez souvent à l'hôpital, ici ?
Non, ça fait déjà quelque temps
Fabienne et André
Non, il y a peut-être un an
Non, il n'y a pas un an qu'on est venus.
On est venus déjà hier
Ah oui !
Tous les jours ?
Non non, pas tous les jours
Non non non, hier
Comment va votre mari selon vous ?
Et bien, il a quand même des problèmes aussi
C'est-à-dire
vous le sentez un peu fatigué ?
Pour son coeur et tout ça
oui
Est-ce que vous pensez qu'un peu d'aide à la maison lui serait utile ?
Je ne sais pas
Après je lui demanderai à lui, ne vous inquiétez pas
d'abord je vous demande à vous
Oui, il faudrait quand même une aide
Monsieur Didiot, un peu d'aide vous serait utile ?
Au point de vue ménage surtout
Il y a 2 types d'aide potentiellement utiles, pour votre mari et pour vous aussi
parce que de faire venir quelqu'un qu'on ne connaît pas à la maison
ça veut dire qu'on fait un peu d'effort pour lui parler.
Ca me soulage
Oui, parce quand j'ai beaucoup à faire
je suis soucieuse donc automatiquement, je prends sur mon sommeil
je me lève et je le fais quoi.
Alors, il vaut mieux que j'aie quelqu'un qui m'aide.
Et si on ne peut pas, à un moment ou à un autre, assurer
au patient et à la famille que nous prendrons en charge
quelles que soient les difficultés,
il y une rupture du contrat d'une certaine manière.
Unité de Gériatrie, Service de Court Séjour, CHU de Reims
Pr François Blanchard Chef de Service Gériatrie, CHU de Reims
Parce que c'est une annonce très lourde et sévère, et il faut derrière que
nous puissions garantir au malade et à sa famille
qu'on va être là pour les soutenir.
Bonjour !
Il a été admis pour des troubles du langage, notamment une dyshartrie
qui a duré moins de 24 heures
avec des difficultés de maintien à domicile
chez qui on prévoit éventuellement, avant de finir le bilan étiologique
un retour à domicile avec un renforcement des aides.
Si cela ne pose pas de problèmes, il va pouvoir rentrer chez lui.
Le fait d'avoir la maladie d'Alzheimer ne protège pas d'une autre maladie.
Il faut bien comprendre ce que j'ai dit plusieurs fois, c'est une maladie où les gens
ont une atteinte cognitive qui va aller progressivement en s'aggravant
mais il y a toute une période de la maladie où on peut communiquer,
même après. Si on soigne une autre maladie, ils vont mieux par ailleurs.
Très souvent on le néglige. Or, ces gens peuvent avoir 4, 5, 6 maladies
comme les gens de 70 ou 80 ans.
Donc, dans la maladie d'Alzheimer, au contraire il faut insister parce que
trop souvent il y a une forme d'abandon thérapeutique sous le prétexte
de la maladie d'Alzheimer, mais notre expérience de gériatres nous montre bien
que quand on les prend correctement en charge, ils vont mieux aussi
sur le plan de l'Alzheimer, c'est évident.
Demain, pour moi je le vois mal parce que
je ne sais pas comment ça va ..........
eh oui
à suivre .......
Ma grand-mère disait de son voisin "il est retombé en enfance".
Apparemment, ma grand-mère n'était pas médicalement correcte, alors
qui bondit le premier ? François Blanchard
Boris Cyrulnik ? Et bien dans l'ordre François Blanchard
c'est lui qui a tapé sur le bouton le premier.
Je crois que ça fait partie des images que nous devrions réussir à détruire
à propos de la maladie d'Alzheimer.
François Blanchard Gériatre, CHU de Reims
Il n'y a pas de retour en enfance. C'est vraiment quelque chose
qui est très délétère pour la manière dont on considère ces malades.
Ces malades ont effectivement des troubles de la mémoire
des pertes que l'on appelle dans notre langage des praxies,
c'est-à-dire qu'ils ne savent plus faire un nombre de choses
comme s'habiller, se laver. Ce n'est pas un retour
en enfance. C'est une maladie neurologique qui a créé du handicap
qu'on essaye de compenser. Tous ces gens ont une histoire de vie longue derrière eux.
Mais l'image du malade qui gomme à l'envers sa vie
du disque d'ordinateur qui vient en fin de compte sur les premiers dossiers
elle est fausse ? On ne revient pas sur les premières années de sa vie
quand on souffre d'un Alzheimer ?
Deux choses : premièrement, c'est vrai que dans l'Alzheimer
ce que nous appelons l'encryptage, c'est-à-dire la mémoire des faits récents
n'est pas bonne et disparaît assez vite.
La 2ème chose qu'a très bien dite Boris Cyrulnik,
c'est qu'il y a une résurgence dans ces maladies, mais comme
dans beaucoup de cas de maladies de la vieillesse, des souvenirs d'enfance,
qui est un phénomène très naturel chez les personnes très âgées,
qui retraite "entre guillemets" au niveau psychologique
un certain nombre de leurs histoires passées.
C'est un phénomène qui est évident dans l'Alzheimer
mais qui n'est pas propre à l'Alzheimer,
et qui n'est pas "retomber en enfance".
Alors justement Boris Cyrulnik, vous réfutez le terme "retomber en enfance"
je suppose que le terme "gaga" ne va pas vous aller non plus.
Le langage populaire n'a pas les bonnes expressions ?
Non non, ça c'est un stigma,
c'est-à-dire que là on condamne les gens quand on parle comme ça d'eux
et c'est impensable. C'est-à-dire qu'on ne peut pas
retomber en enfance parce que le cerveau n'est pas
le même et que les conditions de développement ne sont plus
les mêmes. Dans le cerveau d'un
enfant, le bouillonnement synaptique, chaque neurone
bouillonne. 200 000 synapses à la minute
pendant plusieurs années. La moindre information
du milieu marque son empreinte
dans les circuits cérébraux. On ne peut pas dire ça dans l'Alzheimer.
Mais c'est combien ? Vous avez des chiffres de 100 000 par minute
pour un nouveau-né. Combien dans le cerveau d'un Alzheimer ?
Je dirais quelques bourgeons synaptiques, mais il faut reconnaître que
ça synaptise beaucoup moins avec l'âge, de moins en moins.
Mais en revanche la représentation de soi, l'image que
l'on a de soi est beaucoup plus forte que pour un enfant.
Un enfant ne sait pas encore qui il est. C'est une éponge affective,
c'est une éponge perceptuelle.
Une personne âgée est beaucoup moins éponge de son milieu mais
elle sait beaucoup mieux qui elle est, c'est-à-dire
qu'effectivement, ce qui permet de maintenir l'identité d'une personne âgée
c'est d'essayer de la faire parler ou de communiquer avec elle,
c'est-à-dire que plus on parle avec elle, même si elle rate des mots,
plus on sauve, on maintient son identité.
Les interactions tardives sont totalement
différentes des interactions précoces.
Il est impossible d'employer cette expression de "retour en enfance".
C'est vrai, oublions l'expression mais
vous dites qu'il faut garder la normalité le plus possible dans la communication
c'est quand même le thème de cette émission : la communication
de l'Alzheimer et au début, dans le groupe.
Vous dites donc au conjoint qu'il faut garder cette normalité,
mais quand on voit les témoignages, même au début,
cette normalité n'existe pas,
donc qu'est-ce que vous dites au conjoint ?
Moi je ne dis pas "il faut garder la normalité"
il faut s'adapter à la souffrance du patient
et continuer à communiquer avec lui par les moyens
qu'il est encore capable de comprendre :
les gestes, la musique, le dessin, beaucoup de communications
structurent encore son monde intime
et on peut encore parler, jouer, sourire, communiquer avec lui
de moins en moins avec les mots, de plus en plus avec la musique des mots
et on communique encore beaucoup mieux qu'on le croit.
François Blanchard, un commentaire un peu court, et après Guy Le Rochais.
Je crois qu'effectivement cette adaptation à la maladie permet,
et c'est très important de l'apprendre aux familles,
de maintenir une communication bien au-delà de ce qu'on imagine
et l'échange affectif peut continuer à exister, l'échange émotionnel,
même si l'échange intellectuel existe de manière beaucoup plus fragmentaire.
C'est vraiment à ce niveau que se font les échanges : au niveau affectif, émotionnel.
Revenir sur le passé ça n'est pas "retomber en enfance", c'est restituer
à la personne son identité à travers son histoire, c'est très différent.
Guy Le Rochais
Moi, s'il y a une chose que la maladie d'Alzheimer m'a appris
c'est qu'effectivement on peut sans cesse, et jusqu'au bout, communiquer avec le malade.
Guy Le Rochais Vice-président délégué "FRANCE ALZHEIMER"
Il ne faut jamais mais alors au grand jamais, j'insiste là-dessus,
je veux tordre le cou à cette idée,
qu'un malade d'Alzheimer n'est pas une personne à part entière.
Le fil d'Ariane de l'affectif reste jusqu'au bout.
PATIENTS TV Et quand la communication verbale a disparu
PATIENTS TV il reste plein de choses à inventer, à mettre en place,
et croyez bien qu'un malade d'Alzheimer, et les exemples sont nombreux,
jusqu'à l'ultime moment de sa maladie, a encore une présence affective à offrir.
Encore faut-il en avoir la patience.
La patience, le temps et surtout la conscience.
Mais une famille qui ne comprend pas que c'est une vraie maladie
n'acceptera jamais cette vision de la maladie.
Jean-Luc Novella, je suis un peu surpris, j'ai regardé le reportage comme vous
mais j'ai eu la chance de voir tout ce qui avait été tourné.
Le malade a-t-il réellement conscience
de la dégradation et jusqu'à quel point ?
Quand on voit Chantal, on a l'impression parfois qu'elle joue une espèce de rôle
d'une normalité à laquelle elle ne croit plus
ou alors est-ce que c'est une interprétation de ma part
devant les images ?
C'est très fluctuant selon les patients et les stades de la maladie.
C'est vrai que c'est une maladie terrible. Elle a en elle
un élément de bénéfice,
Jean-Luc Novella Gériatre, CHU de REIMS
si tant est que ça en soit un,
c'est que parfois le patient ne se rend pas compte de son propre trouble
c'est ce qu'on appelle l'anosognosie, c'est purement médical
mais finalement ça le protège un petit peu dans la souffrance que serait la sienne
s'il avait pleinement conscience, selon ses états,
de ce qui est exactement ses capacités ou de ce que sont devenues ses capacités.
Ceci dit, je suis tout à fait d'accord avec ce qui a été dit.
Quelle que soit l'évolution, derrière il y a certes une maladie
une maladie lourde qui entraîne un état de dépendance,
en quoi le sujet n'est en rien un enfant. Mais il faut
se garder de chosifier
cet individu et donc de garder le temps nécessaire pour
toujours essayer de communiquer avec lui.
François Blanchard, un commentaire très court.
Il y a un temps dans l'évolution de la maladie qui est important à connaître
pour les familles. Il y a un moment où le patient sent
que les choses lui échappent et donc il va un peu se
rigidifier, et n'ayant plus le contrôle
suffisant, il va accuser les autres, et il va accuser les autres de ceci de cela,
et je crois que c'est important de l'expliquer parce que
ça n'est pas du tout que le patient devienne méchant ou agressif
simplement, comme il ne contrôle plus, il accuse.
Et puis après, si ça doit continuer à évoluer, il faut effectivement passer
à d'autres modes de communication plus affectifs, plus émotionnels
plus par le toucher.
L'agressivité c'est quand même un mode de réaction fréquent chez l'Alzheimer
peut-être plus la maladie va loin, mais
il faut en avertir l'entourage.
Deux choses sur l'agressivité : l'agressivité est très souvent réactionnelle
c'est-à-dire que le patient devient agressif parce qu'il ne comprend pas
ce qu'on lui demande, ce qu'on exige de lui.
Mais elle est là.
En institution, c'est flagrant.
Le patient agressif, sauf cas exceptionnel, c'est parce qu'on l'a contraint à
des choses qu'il ne comprend pas.
Guy Le Rochais, je voyais que n'aviez pas l'air tout à fait d'accord.
Si, je suis d'accord sur ce qu'a dit le professeur Blanchard.
A la maison, c'est la même chose. Si on ne prend pas en considération
la personne, elle va avoir des manifestations.
Alors, bien sûr on parle de l'agressivité, mais si on faisait un pourcentage
des personnes qui sont agressives et de celles qui ne le sont pas,
on en aurait beaucoup moins. Simplement cette manifestation
c'est souvent, on en parlait tout à l'heure, la chose la plus difficile
à cerner et surtout à traiter.
Boris Cyrulnik, je trouvais que cette femme Chantal, me paraissait par moment
vouloir jouer un personnage, mais peut-être que je me trompe
si elle retrouvait la normalité. Par contre,
même si on a des personnages exceptionnels, je peux vous assurer
que quand on regarde les bandes enregistrées, il y a parfois
des regards très durs
de la part des conjoints ou des aidants comme vous dites.
Comment peut-on atténuer cette image effroyable de la dégradation ?
Le mot qui permet de répondre à votre question, c'est "expliquer".
Dès l'instant où on explique ce qu'il y a encore
Boris Cyrulnik Neuro-Psychiatre - Toulon
de positif et ce qui sera négatif
aux patients et aux aidants, le conjoint très souvent, cela leur permet
de reprendre en main une partie du traumatisme.
"Je sais quoi faire. Ce n'est pas facile, c'est une véritable épreuve,
mais désormais on m'a expliqué, je comprends mieux
je sais quoi faire et je réponds de mieux en mieux aux troubles que je constate
chez quelqu'un que j'aime encore."
Qui doit expliquer ?
Le médecin, le psychologue, le journaliste.
Il faut agir sur la culture de façon à cesser d'en faire
une stigmatisation.
Jean-Luc Novella, à quel moment doit-on faire rentrer une tierce personne dans
cette histoire. C'est-à-dire à quel moment
on doit faire comprendre que, ma foi, il faut ramener quelqu'un ?
Relativement tôt. Il faut essayer d'avoir un coup d'avance, c'est ça qui est compliqué,
c'est qu'il n'y a pas tout à fait de bon moment.
Il ne faut pas attendre que l'aidant soit épuisé, parce qu'effectivement
là on arrive à ces situations ambigües où
on se regarde l'un l'autre un petit peu avec ces fameux regards
dont vous parliez. Il faut prévenir l'épuisement
de la personne tout en apportant un soutien à la personne malade.
Il faut donc arriver relativement tôt parce que l'aide doit être
proportionnelle, proportionnée, progressive,
et donc c'est bien pour ça qu'on essaye d'insister auprès
du patient et de son aidant pour essayer de faire rentrer.
Je retiens la notion d'avoir toujours un coup d'avance.
Je voudrais ajouter autre chose,
c'est qu'effectivement c'est un traumatisme d'introduire quelqu'un
dans le milieu familial et surtout s'il y a beaucoup de liens PATIENTS TV
entre les personnes, mais on observe aussi et c'est un point très intéressant,
qu'après un certain temps passé avec l'intervenant extérieur,
si ça se passe bien, et beaucoup de gens sont très dévoués,
Il supporte bien le malade de voir cette personne ?
ça devient un ou une amie, un référent.
Et il y a vraiment des personnels dont on ne parle pas assez à la fois
de la générosité et de la compétence, qui sont des
gens simples, souvent des aides-soignants. Et bien ces personnes
finissent pour un ensemble de cas, à donner l'avis de référence
et ça c'est vraiment un succès important.
Guy Le Rochais, vous allez pouvoir quand même faire un deuxième commentaire
très court. Il y a un moment où il faut bien parler d'argent.
Jusqu'ici on a parlé de beaux sentiments.
C'est à ce moment-là que l'argent commence à rentrer en compte.
L'argent rentre en compte dès le départ.
Pourquoi ? Parce que le paradoxe de cette maladie c'est qu'en
termes de coût - 80 % du coût de la maladie en France -
c'est ce qu'on appelle le psycho-social ou le médico-social,
c'est ça qui est l'important en termes de coût. Tant que l'on n'aura pas de médicaments
qui arriveront à stopper la maladie, on en sera là en France.
Trois conseils tout simples :
1 - Ne jamais rester seul face à la maladie après le diagnostic
2 - Sans cesse anticiper
et c'est au fond ce qu'on essaye de faire avec les médecins à FRANCE ALZHEIMER
3 - Dire aux gens le parcours sera celui-là
et bien anticipez-le avant que la crise n'arrive.
Trois conseils simples mais qui ne sont pas forcément faciles à appliquer
d'autant que vous nous dites que pas mal d'Alzheimer sont seuls
et qu'il n'y a pas beaucoup d'argent.
Que peut être demain ? C'est le 3ème volet du reportage
de Jean-François Le Cam
Et n'oubliez pas les sms
Votre crainte absolue c'est quoi ?
qu'elle ne me reconnaisse plus
que je sois presque obligé de la placer quoi.
William et Chantal
Je ne pense pas qu'elle entende là.
Tant qu'elle est consciente, elle ne voudra jamais y aller
je sais très bien qu'avec la maladie d'Alzheimer, à un moment donné,
elle ne sera plus consciente
mais pour l'instant, ça n'est même pas la peine d'en parler.
Plus tard je sais que c'est ce qui me fait le plus peur, de la placer.
TROU NOIR DE MEMOIRE - ET APRES .... -
Je crois qu'assez tôt il faut lui éviter de se mettre dans
une situation de fausse promesse ou de promesse intenable
Pr Jean-Luc Novella Neurologie/Gériatrie, CHU de REIMS
parce que lorsque l'annonce diagnostique est fait, que le stade est encore
soit un stade précoce, soit un stade léger ou modéré,
bien souvent on promet que "jusqu'au bout tu resteras à la maison" et ça
il faut le corriger assez tôt
en disant non. On va essayer de faire en sorte que
ça se passe bien à la maison le plus longtemps possible,
mais on ne peut en aucun cas promettre que la maison sera
le lieu de vie jusqu'au bout pour un patient donné.
Moi j'ai eu une infirmière qui m'a aidée à faire sa toilette 3 fois par semaine,
le kiné qui venait le faire marcher pour qu'il garde l'équilibre, 2 fois par semaine,
Madame Vidu
et son état s'est dégradé petit à petit
jusqu'au moment où moi finalement, très fatiguée, je ne pouvais
absolument plus m'occuper de lui.
Donc, le médecin m'a dit "il faut que vous trouviez une institution
qui l'acceptera temporairement pour que vous puissiez vous reposer
sinon c'est vous qui serez hospitalisée et lui après."
Il arrive un moment effectivement où les familles peuvent s'épuiser,
ce sont des malades difficiles à prendre en charge
et il y a un moment où la famille craque,
ou est sur le point de craquer. Là, notre rôle est important.
Il faut laisser ceux-ci avant que ça n'apparaisse.
Pr François Blanchard Chef de Service Gériatrie, CHU de REIMS
Que ce soit le médecin ou l'infirmière, en tout cas que les
professionnels disent "attention cette famille-là a une situation limite".
Notre rôle va être double, d'une part expliquer ce qu'est la maladie,
proposer des solutions qu'on appelle de répit
qui manquent encore malheureusement. Par exemple, hospitalisation de répit,
passage pendant quelque temps dans un établissement spécialisé
qui permette à la famille de souffler, mettre plus d'aide à domicile
pour que le parent puisse avoir des demi-journées libres.
Il sait que telle demi-journée de la semaine
il va pouvoir passer à autre chose.
Quand je lui parle, il me dit "je ne t'entends pas".
C'est sûr qu'il y a un an au mois d'Avril il était encore avec moi au cinéma.
J'ai essayé de faire tout ce que je pouvais, jusqu'au bout.
Ca n'est pas souvent vécu comme "je le mets là il va mourir",
c'est vécu comme "je le mets là, j'ai failli".
J'ai failli à ce qu'était ma mission.
C'est là qu'il faut beaucoup expliquer,
mais ce n'est pas la même perception.
Dès lors qu'on arrive à faire comprendre que c'était nécessaire,
qu'il n'y avait pas d'autre solution, que finalement pour la personne
ça va bien se passer et qu'on s'assurera que ça se passe bien pour lui,
que ce n'est pas parce qu'il y a une transposition
qu'il a failli, qu'on a toujours besoin de lui, mais qu'il va rendre un service
totalement différent, on va dire un peu libéré de certaines
contingences qui pesaient sur ses épaules et qui ne devaient pas
peser sur ses épaules.
Comme je ne peux pas le reprendre à la maison, donc
je serais contente s'il était placé vraiment là où il faut.
Centre d'accueil pour Alzheimer, REIMS
On y va hein ?
Oui on y va
Ah bon, alors on y va. Olé !!
Je ne vais pas à la pêche
Ce sont des lieux de vie, mais une vie organisée un peu différemment
qui va soulager l'aidant pour pouvoir être à nouveau disponible pour son parent
mais d'une façon différente, peut-être plus disponible
pour plus dispenser, on va dire, de l'amour
et moins du soin.
Et ça change radicalement les données.
J'en ai une tiens
Ben oui, il y en a dedans au fond
Pour avoir de l'air
de l'air ?
Oui
Allez viens avec moi
Avec vous ?
Oui
Ben moi je vais rentrer
Vous voulez aller là ? Là regardez
Ouh ça c'est un peu con, c'est un peu con là
Vous voulez aller où, là-bas ?
Oui
Vous avez une maison, un jardin, il y a des moments où vous devez la perdre de vue ?
Vous ne pouvez pas l'entendre. Vous êtes dans la chambre, elle est dehors
Je ne la vois pas mais je la surveille.
Ah oui !
Vous n'êtes jamais tranquille, c'est dingue !
à suivre .....
Boris Cyrulnik, on a l'impression qu'on ne peut pas échapper à l'image caricaturale
de cette fin de vie d'Alzheimer, d'ailleurs vous avez remarqué
que tous les visages étaient "floutés" comme on dit en télévision,
c'est-à-dire qu'on n'a malheureusement pas eu le droit de montrer ces gens.
On a toujours des personnages admirables comme toujours en télévision,
est-ce que c'est la réalité ? N'y a-t-il pas beaucoup d'abandons
moins de conjoints vigilants, plus de gens
qui jettent l'éponge ? D'abord vous, Boris Cyrulnik
on prendra ensuite l'opinion de François Blanchard.
Moi ce qui me frappe, c'est plutôt le courage des conjoints.
Il y a des abandons bien sûr, mais c'est loin d'être la majorité.
Boris Cyrulnik Neuro-Psychiatre - TOULON
Je pense que la majorité des Alzheimer sont gardés très longtemps dans leur famille.
Il y a des abandons, très tôt. Ca n'est pas la majorité
et il y a aussi des placements parce que les aidants sont épuisés
et qu'il faut aider les aidants.
C'est la réalité des centres ? On voit ces gens qui chantent.
J'étais un peu gêné quand on a monté ces images, de donner une image de l'Alzheimer
qui n'est pas celle de la réalité.
Alors, d'abord vous François Blanchard
puis après j'aurai Guy Le Rochais qui va intervenir.
Je confirme ce que dit Boris Cyrulnik.
François Blanchard Gériatre, CHU de Reims
Je suis plutôt admiratif de familles, d'enfants, de conjoints
qui s'occupent de leur parent jusqu'à un stade très avancé.
On peut les aider en leur évitant l'épuisement.
Evidemment, il y a des abandons, mais comme toujours, il y a
une longue histoire derrière. L'histoire du couple ne démarre pas avec le diagnostic,
elle démarre bien avant. Des divorces ne sont pas faits,
il y a des conflits très anciens et à ce moment-là, ça craque, mais
tant qu'il y a un élan d'amour, et dans ces couples on voit un vrai élan d'amour,
je vous assure que les conjoints sont tout à fait admirables. C'est le premier point.
Sur les lieux, il y a de tout.
Il y a des lieux admirables, des gens qui travaillent très bien.
Des lieux spécialisés qui sont vraiment remarquables
et puis il y a des lieux qui sont, à mon avis ....
mais très largement
Mais la vérité, c'est plus ça que ça ?
parce que Guy Le Rochais, je le répète encore, est-ce que
cette image idyllique correspond à la vérité de ce que vous
vivez à FRANCE ALZHEIMER ?
Non, en réalité, le travail de messieurs Novella et Blanchard
Guy Le Rochais Vice-président délégué "FRANCE ALZHEIMER"
nous estimons à France Alzheimer et à juste titre je crois, les chiffres le prouvent,
que c'est pratiquement l'exception.
Il y a peu de lieux où il y a une telle prise de conscience de la globalité. PATIENTS TV
Ca c'est très important. La 2ème chose c'est qu'effectivement
la prise en compte, ce qui a été souligné dans ce reportage,
de la culpabilité des aidants est très importante. PATIENTS TV
C'est pour cela que nous avons parlé d'anticipation car il y a
d'autres manières de faire que de passer du domicile directement
en hébergement permanent : les haltes répit, les accueils de jour,
il faut baliser la route du malade
et de l'aidant. Un malade, c'est toute une famille qui a besoin d'aide
ça n'est pas l'un ou l'autre. Donc il est très important
que les pouvoirs publics, et on espère que ce plan Alzheimer ne sera pas
une belle copie, mais aura un rendu
et qu'il y ait des moyens à disposition pour baliser ce parcours
beaucoup trop difficile. Donc de l'argent,
des moyens, et la prise en compte de cette culpabilité
permanente de l'abandon du malade.
Jean-Luc Novella, j'ai l'impression qu'il y a quand même un moment fatidique
dans l'histoire de l'Alzheimer, c'est ce que moi j'appelle la "première mort",
le moment à partir duquel le patient ne reconnaît plus son entourage.
Est-ce que c'est un peu caricatural . Est-ce que c'est
vraiment le moment où il faut penser à passer la main,
ou est-ce que c'est bien avant ?
Il y a là une double question, et il y a donc oui et non.
Jean-Luc Novella Gériatre, CHU de REIMS
A savoir qu'effectivement parmi les choses difficiles à vivre pour un
entourage, c'est la non reconnaissance par le proche
par celui qu'on aime,
c'est quelque chose qui est difficile à vivre.
En ce sens, on l'a dit tout à l'heure, les aidants ont un rôle qui est loin d'être facile
plus ils sont informés et informés tôt, plus ils sont armés pour faire face à cette situation.
D'autant que ça fluctue. Le patient peut ne pas reconnaître
son épouse un jour, et c'est très ponctuel,
le jour suivant, les choses sont rentrées dans l'ordre et sans difficulté.
Donc ce n'est pas pour autant que c'est une 1ère mort, c'est une difficulté.
Par contre, la 2ème question qui est le deuil fait parce
qu'il y a un changement de lieu de vie, là aussi, c'est compliqué.
En ce qui concerne ce changement, en fait il y a un non-dit dans tout ce que
l'on échange depuis le début.
C'est que l'institution n'est pas un lieu de déchéance,
Et c'est là la complexité. Parfois il existe des lieux
de très bonne prise en charge, des lieux où le patient s'améliore.
C'est très compliqué.
Monsieur Guy Le Rochais dit que ce n'est pas la majorité.
Ca n'est pas la majorité, mais ça existe.
Il ne faut pas passer ça sous silence.
On en a un petit peu parlé tout à l'heure : quelle est la bonne solution aujourd'hui
pour quelqu'un qui développe une maladie d'Alzheimer et qui est seul, sans aide ?
Pour ceux-là l'isolement qui est le leur au quotidien
leur est préjudiciable.
Un lieu de vie en collectivité est de nature à les améliorer.
De même l'entrée en institution peut amener à des situations paradoxales
où on a l'impression que le patient s'améliore, et c'est là où il faut
accompagner certes le patient, mais aussi beaucoup les aidants.
Question anecdotique : est-ce que c'est la personne que l'on aime le plus
qu'on reconnaît le plus tard ? C'est-à-dire est-ce le conjoint le dernier reconnu ou
cela peut être n'importe qui ?
Oui, Guy
A ce sujet j'ai une anecdote que j'ai vécue.
Ma belle-mère, 10 petits-enfants.
Le premier des petits-enfants, elle l'a élevé pendant 1 an quand il était tout petit,
et bien avec la maladie d'Alzheimer,
elle ne se souvenait du prénom d'aucun de ses petits-enfants, sauf de celui-là,
alors qu'elle ne reconnaissait pas sa propre fille.
Donc c'était lié probablement
à celui qui avait la plus grande charge affective avec elle sur la fin de sa vie.
Est-ce que ce sont les enfants qui sont le plus à même de dire
papa, maman, il faut passer la main.
Est-ce que c'est une décision familiale ? François Blanchard
C'est une décision lourde de conséquences.
C'est idéal quand ça peut être une décision familiale,
c'est aussi quelquefois source de conflits entre les parents et les enfants.
Le conjoint qui veut aller jusqu'au bout et les enfants qui se rendent compte
que le parent s'épuise et qu'il faut vraiment faire quelque chose,
donc c'est une source de conflits. Ce qui est très important je dirais
pour nous professionnels, c'est vraiment d'aider les familles à
sortir de la culpabilité et éventuellement d'une promesse qu'on n'a pas pu tenir.
Ce qu'on n'a pas pu tenir, un médecin peut le faire.
Il y a des situations où ça n'est plus possible,
et comme le disait le professeur Novella, nous connaissons aussi
des situations où les gens s'améliorent en institution.
Là je ferai juste une petite remarque : c'est essentiel.
Il faut savoir qu'actuellement en France, dans la plupart des établissements
c'est plus de 50 % des résidents qui sont atteints de troubles cognitifs
de type Alzheimer, donc on a vraiment un changement du paysage complet.
Il y a donc un effort énorme de formation à faire
dans les maisons de retraite
auprès des soignants,
et quand on fait l'effort de formation
des soignants aussi bien en maison de retraite qu'au domicile
on se rend compte que les choses vont beaucoup mieux.
Il y a vraiment un savoir-faire.
La médecine vit au rythme des protocoles, des guidelines
c'est-à-dire que le médecin va mettre des croix dans des cases
pour prendre des décisions.
Est-ce que ça existe dans la maladie d'Alzheimer pour savoir si on place,
si on fait venir des aidants
non ?
Non. Bien évidemment, il va y avoir des lignes de conduite
mais on est à chaque fois devant des cas individuels.
Par exemple l'entrée en institution, c'est une décision qui est lourde,
qui doit être réfléchie, qu'on ne peut pas cocher dans des cases
pour dire celui-là il est bon pour l'institution ou pas, l'avis est beaucoup plus complexe.
Alors, vous allez encore me dire que j'emploie les mauvais mots.
On a parlé un certain temps de ces haltes-garderies qui permettaient
de gagner un peu de temps, de permettre d'aller faire les courses,
Je sais que vous détestez ce terme-là pourtant il est
facile à comprendre. Pourquoi tant d'animosité sur ce terme ?
Moi je vous dirai que cela dépend de qui on parle. Est-ce qu'on connaît bien le sujet ?
Est-ce qu'on l'a pratiqué ? Est-ce qu'on l'a vécu ?
Les haltes-garderies, c'est probablement ce qu'il ne faut pas faire
encore que ça peut rendre service.
Mais si vous faites allusion à cela, j'imagine que vous parlez
aussi des accueils de jour thérapeutiques ?
Oui c'est cela
faire respirer la famille en les aidant.
Alors l'idée, c'est d'avoir des professionnels dans un lieu dédié
et des professionnels formés à la maladie, pour rebondir sur ce qu'a dit
François Blanchard.
Le terme ne vous va pas, mais la technique ....
Mais ce qu'on fait à l'intérieur d'un accueil thérapeutique de jour
ou dans les établissements de répit spécialisés.
Ca n'est pas des garderies avec 3 beaux fauteuils et une télévision.
Est-ce que c'est toujours une décision trop tardive le
passage en institution dans un Alzheimer François Blanchard ?
Non, je ne pense pas. Je pense que c'est une dynamique familiale,
et à un moment, les choses ne peuvent pas continuer plus longtemps
pour autant qu'il y ait un aidant, sinon évidemment, comme l'a dit
le professeur Novella, pour quelqu'un qui est isolé, l'institution est la bonne solution.
Boris Cyrulnik, comment fait-on pour gommer les images terribles
d'une fin de vie d'Alzheimer, quand on est
un conjoint, un enfant. Est-ce qu'il y a une technique ? Qu'est-ce qu'il faut faire ?
Je pense qu'on ne peut pas gommer ces images. Elles sont terribles,
elles sont lourdes, elles seront marquées dans l'esprit
des aidants jusqu'à la fin de leur propre vie.
On n'a pas pu les montrer mais il n'y a pas ......
on doit faire un travail là-dessus ?
Absolument. Il ne faut pas gommer ces images,
on doit les affronter. C'est un traumatisme
pour l'aidant, donc il faut l'entourer pour lui apprendre au contraire à
verbaliser ces images, c'est-à-dire à
faire quelque chose de la souffrance qu'il a reçue en
ayant à aider quelqu'un qui est malade, donc
on ne peut pas éviter ces images, mais il faut ne pas s'y soumettre.
Guy Le Rochais, il y a beaucoup de gens qui nous regardent
aujourd'hui. Ils doivent se dire "qu'est-ce que cela signifie
quand l'une des épouses dit "il faudrait
le placer où il faut." Ca veut dire quoi "placer où il faut" ?
On s'adresse à vous ?
J'imagine que quand cette personne dit "où il faut"
elle anticipe l'endroit idéal.
Or on sait qu'en France il y a une discrimination puisque
selon le département où on se trouve, les solutions ne vont pas être les mêmes.
Près de Paris, on aura plus de solutions que je ne sais où.
Donc il y a une discrimination à cause des territoires,
à cause aussi des chefs d'établissement, c'est-à-dire que, comme
le disait François Blanchard, avec une même règlementation,
on peut faire des merveilles ou son contraire.
On imagine un classement un jour ?
Un guide michelin des maisons de retraite ?
Je ne l'ai pas prononcé, mais un classement
indiquant là, l'Alzheimer. Si vous n'avez pas de guidelines pour savoir comment placer,
il y a un certain nombre de choses qui ...
Moi je crois qu'il faudrait procéder par étape et déjà définir
quelles sont les professions qu'il doit y avoir dans ces lieux,
quels sont les projets thérapeutiques qu'il doit y avoir,
et quelles sont les obligations des uns et des autres.
Commençons par ça.
Et le plan Alzheimer signifie qu'il y aura suffisamment d'argent pour faire tout ça ?
François Blanchard
On ne peut pas anticiper sur les décisions. Il y a
déjà un nouveau mode de financement qui peut être contesté par certains,
Je pense qu'une grande partie du plan va être consacrée à la recherche
fondamentale. J'espère qu'il y aura suffisamment d'argent qui sera gardé
pour, comme le disait Guy Le Rochais, ce qui représente à peu près 80 %
des dépenses, la manière dont on prend en charge concrètement ces malades.
Merci, et bien maintenant on va passer aux sms, comme promis.
Alors ce premier sms
va apparaître sur l'écran. S'il n'apparaît pas je poserai une question. Ah voilà !
La maladie d'Alzheimer touche-t-elle plus les femmes que les hommes ?
A partir de que âge peut-elle se déclarer ?
Question pour un médecin, donc allez, Jean-Luc Novella
Alors oui, effectivement, les femmes sont un peu plus à risque
que les hommes vis-à-vis de cette maladie.
En fait, dans leur histoire de vie, avant 65 ans
les hommes sont un tout petit peu plus à risque que les femmes,
à partir de 65 ans, les femmes sont plus à risque.
Concernant l'âge auquel la maladie peut se déclarer,
relativement tôt. Certes, c'est essentiellement une pathologie
du grand âge, mais les cas les plus jeunes décrits dans la littérature avaient
une vingtaine d'années.
On va passer à la deuxième question.
Il paraît qu'il y a beaucoup de sms, on dit qu'il y en a plus d'une cinquantaine.
qui sont arrivés. Alors quels sont les premiers signes
de la maladie ?
François Blanchard
Il y a un signe qui est constant, c'est les troubles de mémoire.
Sachant bien qu'en disant cela on peut aussi inquiéter les gens parce
qu'il y a plein de problèmes de mémoire liés au vieillissement qui ne sont
pas la maladie d'Alzheimer, mais il n'y a pas de maladie d'Alzheimer
sans troubles de la mémoire,
auxquels viennent s'ajouter d'autres signes comme
les troubles du jugement, les difficultés comportementales, les difficultés
pour faire des choses qu'on faisait facilement avant.
Question suivante
Un nouveau sms
Existe-t-il des facteurs prédictifs et donc
un traitement préventif ? Je voudrais quand même vous signaler
que ces questions sont fort intéressantes, mais on avait
quand même décidé aujourd'hui de faire une émission dont le thème
serait la communication autour de l'Alzheimer. Je vous promets que dans
PATIENTS TV, on fera d'autres émissions sur l'Alzheimer. Alors on va
répondre à celle-là, mais j'aimerais bien que
l'on nous passe les questions aussi sur la communication.
Alors, facteurs prédictifs et traitement préventif ?
Il existe de vrais facteurs de risque. Du coup c'est un facteur de communication
parce que quand on prend en charge un patient, on essaie de prendre en charge
cette maladie, mais aussi les facteurs de risque qui sont
aussi le plus souvent des facteurs d'évolution plus rapide.
Donc effectivement, l'hypertension, tous les troubles cardio-vasculaires
l'exercice physique, la bonne hygiène de vie sont
des facteurs potentiels sur lesquels on essaie d'agir.
Concernant l'importance d'un diagnostic le plus tôt possible,
Il y a une compétition entre les "ultras" et les "normaux". Ce sont les "ultras" qui veulent
qu'on diagnostique très tôt. Pouvez nous dire un mot des autres ?
Effectivement, François Blanchard en a dit un mot tout à l'heure.
Pendant longtemps on a, d'un point de vue médical, identifié
le problème des démences, la maladie d'Alzheimer étant une des démences.
On attendait donc que les troubles du patient aient un retentissement sur son autonomie
pour dire voilà, il y a un problème, une maladie et cette maladie c'est l'Alzheimer.
Alors qu'on sait que la maladie existe bien auparavant, et
Combien de temps auparavant ?
Avant les 1ers symptômes ? Disons au moins une vingtaine d'années. Les lésions
pré-existent depuis au moins une vingtaine d'années.
Boris Cyrulnik, je suppose que vous avez réfléchi à ce problème.
Pourra-t-on un jour faire des diagnostics disant
et bien, vous avez absolument les premiers signes d'une maladie d'Alzheimer
mais elle va vous atteindre dans 20 ans.
Oui, alors ça risque même d'être pire que ça parce que
il peut y avoir des marqueurs biologiques, et on peut parfois
dire vous aurez une maladie d'Alzheimer dans 20, 30, ou 40 ans,
ce qui n'a un sens que si on peut soigner cette maladie.
Si on fait une annonce sans rien pouvoir faire,
il vaut mieux s'occuper de l'environnement et de la psychologie.
Si en revanche, il y avait un marqueur biologique, et je crois qu'il y a des gens
qui sont actuellement sur cette piste,
s'il y a un marqueur biologique, et s'il est suivi par un médicament,
là ça vaut peut-être la peine de l'annoncer.
Jean-Luc Novella ?
C'est un problème éthique. En gros, je suis bien fondé à faire
un dépistage si je peux proposer une vraie solution thérapeutique
de nature à faire évoluer les choses.
C'est-à-dire qu'il y a certaines maladies où le problème éthique est un peu bousculé
et on fait ce diagnostic sans avoir vraiment de thérapeutique.
Par exemple, pour le cancer du sein, je sais que la patiente ne se plaint de rien,
je prends donc une population qui est la population féminine française
dans une tranche d'âge, je la fais bénéficier d'un examen,
j'identifie un état pathologique que je suis capable de traiter,
et qui change son pronostic.
Et vous savez comment ça se traduit aux Etats-Unis, ça se traduit par
l'ablation préventive des deux seins.
après .....
Oui mais savez, on arrive aujourd'hui à ce type de .....
C'est de la médecine, il faut réfléchir à ça. François Blanchard, je vous vois sourire
un petit peu de ces commentaires.
Je ne souris pas. Ce dont je suis persuadé c'est que nous ne pouvons pas
nous permettre de faire un diagnostic même très anticipé
s'il n'y a pas derrière une solution, c'est condamner le malade, c'est
condamner sa famille. Par contre, effectivement
nous savons que dans le cadre de la maladie d'Alzheimer, il y a un état
pré-pathologique qui est assez compliqué, qu'on appelle les syndromes cognitifs etc ...
mais plus le diagnostic sera fait tôt,
plus on sera efficace sur l'évolution.
Donc le message, c'est gagner du temps, mais pas trop de temps.
Voilà, on est d'accord ?
Il faut qu'il y ait une vraie place.
Allez, un autre sms
Alors, si la personne atteinte de la maladie d'Alzheimer comprend
mal les mots, interprète-t-elle les gestes d'affection
correctement ? C'est ce que vous disiez Guy Le Rochais tout à l'heure
c'est-à-dire que l'on va très très loin dans l'accompagnement affectif ?
Bien sûr, mais encore une fois ça s'apprend, ça se vit.
Mais qui apprend ça, comment apprendre ?
Ecoutez, à FRANCE ALZHEIMER, on fait des formations des familles
depuis 15 ans, et je pense que mettre en commun le savoir du monde médical
du monde associatif, du monde médico-social
et former à la fois les aidants naturels et les professionnels
permettrait d'avoir le bon lexique pour, comme monsieur l'a dit tout à l'heure,
rentrer dans le monde des malades.
Mais ça n'est pas donner un peu mauvaise conscience
à tous les malades, tous les aidants de dire "il va falloir faire des formations" ?
Au contraire, attendez, quand on parle de formation des aidants,
il ne s'agit pas de faire une formation continue pendant un an.
Il ne s'agit pas de ça, mais il s'agit de mieux comprendre
le bon lexique pour communiquer avec le malade.
Un commentaire François Blanchard ?
Je crois que l'essentiel à comprendre, c'est que ces malades
ont des déficits qui les empêchent quelquefois de s'exprimer
mais que tout le travail que nous avons à faire nous
professionnels, ou que peuvent faire les familles, c'est
apprendre à rentrer dans le monde du malade, à se mettre dans ses chaussures
d'une certaine manière pour comprendre ses réactions.
La réaction agressive par exemple veut dire : qu'est-ce qu'on a fait auparavant
qu'il n'a pas compris.
Des fois, il s'exprime avec des mots très simples. Il faut pouvoir remonter le système
pour réussir à communiquer. On ne part pas de notre point de vue à nous
dans la communication avec le patient, on part de son point de vue à lui.
Une fois qu'on part de son point de vue à lui, les choses s'enchaînent,
une fois qu'on a compris ce principe de base.
Un nouveau sms
J'ai bien compris que vous voulez en savoir plus sur la maladie, donc :
Les familles s'interrogent souvent. Faut-il assister ou autonomiser
les malades atteints d'Alzheimer ?
Alors qui répond à cette question-là ?
Moi je peux répondre pour la vie de tous les jours.
Un malade d'Alzheimer, c'est une personne à part entière.
Deux choses à privilégier : déceler chez lui ce qu'il a encore plaisir
à faire, et ne jamais le mettre en échec par rapport à ce qu'il ne sait plus faire.
si ça peut répondre à la question. Un exemple basique :
Madame met la table n'importe comment en mettant toutes les assiettes ici,
tous les couverts ici,
comme on a vu tout à l'heure.
Et bien, il suffit de ne rien lui dire
et mettre la table, et elle passera autre chose. Si vous lui dites,
"ce n'est pas comme ça qu'on fait", vous l'assistez en permanence,
et ça ne sert à rien en plus.
Donc, ça ne sert à rien d'essayer de récupérer quelque chose en fait.
Ce qu'il faut, c'est ne pas troubler en permanence la personne face à
ses propres manques.
Dites-moi, c'est épuisant de vivre avec un Alzheimer !
C'est épuisant, mais lorsqu'on consacre son énergie non plus à faire ça
pour conjurer ses propres craintes, mais pour vraiment l'aider
et bien on se comporte mieux et on a plus de forces pour l'aider longtemps.
C'est une belle explication François Blanchard ?
Je suis entièrement d'accord et je dirais, la faire participer
aux décisions la concernant le plus possible, tant que c'est possible.
C'est la troisième formule que j'ajouterais.
Un nouveau sms
qu'on va maintenant donner à nos invités : Est-ce uniquement une maladie
du monde industrialisé ? Tiens, tiens. Jean-Luc Novella
Non, loin de là.
Certes, c'est une maladie qui augmente avec l'âge en prévalence,
mais finalement aujourd'hui, sur l'ensemble des pays dits en voie de développement
ou émergents, le nombre en valeur absolue de patients souffrant de cette maladie
PATIENTS TV
est supérieur à ce qu'on trouve dans l'ensemble des pays industrialisés
parce qu'ils sont beaucoup plus nombreux. PATIENTS TV
Boris Cyrulnik, un commentaire ?
Juste un mot, c'est qu'il commence même à y avoir des modèles animaux
de maladie d'Alzheimer.
C'est la question que j'allais vous poser.
Est-ce qu'il y a l'Alzheimer chez l'animal ?
Alors, on ne peut pas vraiment appeler ça Alzheimer, mais c'est un modèle
animal de la maladie d'Alzheimer, chez les chiens, chez les chats.
Pendant très longtemps on disait "il n'y a pas de modèle animal"
parce qu'on les cherchait en laboratoire, alors qu'il suffisait d'aller dans les
appartements à côté pour voir des chiens de 25 ans qui
avaient quelque chose. Ils se perdaient dans l'espace et dans le temps,
ils confondaient le jour et la nuit. Ils avaient
une désorientation temporo-spatiale qu'on appelle abusivement
Alzheimer, mais il y a quand même des lésions neurologiques
identiques et des comportements qui évoquent.
Mais eux, c'est le paradoxe, ils manquent rarement d'affection.
Allez, on va prendre un nouvel sms.
Ma grand-mère est décédée de la maladie d'Alzheimer,
est-ce que je risque moi aussi de développer cette maladie ?
Alors attention, vous risquez de faire pleurer quelqu'un dans la salle.
Je vais prendre le risque de répondre.
C'est une question que l'on nous pose très souvent parce qu'évidemment
quand on a quelqu'un dans sa famille qui a la maladie d'Alzheimer
ou qui l'a eu, que soit les grands-parents ou les parents,
elle est inévitable, il vaut mieux la poser.
La réponse est un peu complexe : ça n'est pas une maladie
génétiquement transmissible.
Par contre, le fait d'avoir dans ses ascendants des gens qui ont eu
la maladie d'Alzheimer augmente le risque de la faire
mais il n'y a aucune automaticité, ça n'est pas génétiquement transmissible.
Simplement les facteurs de risque .....
C'est un peu une réponse du CHU de Normandie. Il faut
s'engager un petit peu. On dit quoi ?
On répond très clairement "NON ça n'est pas transmissible
avec un caractère génétique
mais le risque augmente lorsqu'on a 1 parent et surtout 2 parents
atteints, surtout 2 parents !"
Un nouvel sms ? Alors : Pourquoi les médecins généralistes
sont si peu impliqués ?
J'adorerais répondre à cette question-là mais on va laisser Jean-Luc Novella le faire.
Les médecins généralistes s'impliquent de plus en plus.
On aurait pu avoir la même question sur les spécialistes il y a 5 ans.
Pourquoi les spécialistes sont si peu impliqués ?
Les médecins généralistes sont relativement dévoués à l'état et au
bien-être de leurs patients
et ils se mettent à la prise en charge de ces patients
qui sont atteints de la maladie d'Alzheimer. Ils viennent
de plus en plus, ils sont très demandeurs de formation.
Ils s'intègrent dans les réseaux de soins qu'on est capables de proposer aujourd'hui.
Le thème c'est la communication. Le but ça n'est pas forcément la communication
toujours avec le patient,
ça n'est pas la communication avec l'aidant, c'est aussi la communication
entre professionnels, et c'est vrai que les généralistes sont
de plus en plus impliqués dans cette communication entre professionnels.
Le spécialiste intervient ponctuellement.
Ils sont prépondérants pour le dépistage en plus. On ne parle
peut-être pas assez de ça.
Il y a 5 à 10 ans, une majorité de patients qui arrivaient
à nos consultations venaient d'eux-mêmes.
PATIENTS TV. Aujourd'hui, 95 % des patients qui arrivent à nos consultations sont
adressés par un médecin généraliste. PATIENTS TV
Selon l'implication du médecin généraliste, PATIENTS TV
avec une information plus ou moins précise sur les troubles que présente son patient.
A-t-on encore une question sms ?
Alors : Peut-on espérer avoir un vaccin contre cette maladie d'ici à 2 ans ?
Alors je vais faire une partie des réponses puisque je suis le journaliste
qui a lancé cette information-là il y a quelques années
et ça m'a coûté une volée de bâtons de la part de tous les
neurologues français, et en particulier des gériatres.
Ce vaccin, il a existé, il a été retiré ? On en est où maintenant ?
Alors, ce vaccin a existé. Il a été retiré parce que malheureusement les malades
ont trop bien réagi. L'idée, c'était de s'immuniser,
de faire une immunothérapie, d'arriver à détruire
une des protéines qui provoque les lésions de neurones, sans entrer
dans trop de détails.
Nettoyer cette glue qui colle le cerveau.
Mais là, on a eu des hyperréactions. Des patients ont
fait effectivement des méningites hyperallergiques, donc
ça a été immédiatement arrêté.
Oui mais, je suis désolé de vous poser cette question-là, entre le risque
de faire une méningite et peut-être la chance de voir son Alzheimer
diminuer, est-ce qu'il fallait arrêter ?
Ce que je peux dire c'est que la voie de recherche dans le domaine du vaccin reste
extrêmement active. Il est possible que nous ayons
de nouveaux moyens thérapeutiques avec des vaccins atténués. PATIENTS TV
Vous ne m'en dites pas assez. Les français sont en avance,
vous avez un essai dans votre centre ?
Nous n'avons pas d'essai dans notre centre, mais je connais des centres qui en ont.
Où les nouvelles sont plutôt pas mauvaises, d'après
ce que j'ai cru comprendre.
Apparemment.
Guy Le Rochais, je serai court,
sur très peu de patients.
Sur très peu de patients bien sûr, comme toujours dans ces essais-là, mais enfin,
un certain espoir. Allez, le dernier sms.
Quelles sont les nouvelles molécules thérapeutiques ?
Je préfèrerais que vous nous disiez quels sont les types de molécules.
Monsieur Novella
On avait dit qu'on ne parlait pas de médicaments, mais on y va.
Aujourd'hui, les médicaments disponibles permettent d'agir sur
un des déficits identifiés dans cette maladie, qui sont des déficits
en neuromédiateurs, des molécules qui permettent aux neurones
de communiquer les uns avec les autres.
Dans cette maladie, il y a d'autres éléments lésionnels,
cette fameuse glue, en fait cette protéine bêta-amyloïde qui s'accumule.
On peut dire la glue.
On commence à voir arriver en essai thérapeutique PATIENTS TV
des médicaments dont l'objectif est d'agir sur cet élément,
et puis d'autres éléments sont présents au niveau lésionnel dans
cette maladie, notamment la dégénérescence des neurones,
PATIENTS TV. et là on a encore peu de traitements qui agissent
mais il est vraisemblable que d'ici quelques années
on ait des polychimiothérapies pour ce type de pathologie.
Et bien écoutez, on est pile dans les temps. Cette émission va se terminer,
je vais demander à chacun de conclure brièvement.
On va commencer par vous, Guy Le Rochais.
Déjà, puisque l'espoir d'avoir un vaccin est à 10 ans aujourd'hui,
je vais reprendre une expression de Sarkozy qui a dit qu'il
fallait "mettre le paquet".
J'espère qu'il mettra le paquet où il faut, et pas seulement sur la recherche.
Parce qu'il faut s'occuper des gens aujourd'hui, et anticiper pour demain,
les deux à la fois.
Enfin, puisqu'on parlait de communication, je crois
qu'effectivement c'est les professionnels vis-à-vis du malade,
les professionnels entre eux, les professionnels avec les associations
de familles, et je crois que sur le plan Alzheimer, peut-être
mettre en musique cet orchestre qui existe mais qui manque de chef.
Jean-Luc Novella, votre conclusion
En termes de communication, je pense qu'on peut dire qu'il y a quand même
certaines satisfactions à avoir.
Ces dernières années, on a énormément progressé sur la compréhension de
la maladie, progressé sur l'aspect des traitements de la maladie,
progressé sur la prise en charge et sur les échanges qu'on peut avoir
entre les différents intervenants.
Un des objectifs, par contre, qu'on se doit d'avoir aujourd'hui, c'est
d'essayer d'améliorer tout ça, parce que
ça peut encore être amélioré.
On va demander à François Blanchard, sa conclusion.
Puisqu'on parle de communication, il y a un aspect qu'on a peu évoqué
mais qu'il serait important de rappeler,
c'est tout le travail qu'il faut faire autour de la fin de vie de ces malades
qui meurent souvent dans des conditions un peu difficiles.
C'est vrai que vous avez insisté, et par manque de temps, je n'en ai pas parlé,
sur le fait qu'un malade qui avait une maladie d'Alzheimer était
un malade comme les autres et qu'il fallait aller chercher les autres pathologies.
Sinon, je voulais dire en termes de communication, qu'au-delà de
l'aspect professionnel, lorsqu'on rentre dans une vraie communication avec
ces malades, cela veut dire qu'on va au-delà de l'aspect technique
et que c'est une rencontre d'être humain à être humain. Il y a une vraie richesse
qui peut s'exprimer et que je crois que dans une rencontre d'être humain à être humain
on crée plus d'humanité, et c'est vers ça que nous espérons pouvoir aller.
Merci. Alors Boris Cyrulnik, le philosophe, redoutable honneur de
la dernière conclusion.
Ca vous a choqué que j'aie décidé de prendre ce thème de la communication
autour de l'Alzheimer plutôt que d'expliquer
une nouvelle fois pourquoi, comment, et combien ?
Non, au contraire, ça m'a stimulé. J'ai trouvé que c'était la bonne porte d'entrée,
le bon mode d'entrée. Plutôt que de considérer l'autre, le malade,
uniquement sous son aspect chimique, qui existe,
on peut le considérer aussi sous son aspect de communication relationnelle,
avec sa famille et avec sa culture.
Alors, j'ai eu un problème avec cette réunion,
c'est qu'il y a quelque chose que je n'ai pas compris. Je suis la qualité d'avant-guerre,
je suis né avant la 2ème guerre mondiale, et quand je suis arrivé au monde,
le monde était peuplé de grands et peuplé de vieux,
et aujourd'hui, il est peuplé de gens qui me paraissent tous
plus jeunes les uns que les autres.
Moi bien sûr, je n'ai pas changé, donc le monde est peuplé de jeunes.
Alors, pourquoi parle-t-on tellement d'Alzheimer et d'âgés ?
C'est une belle conclusion qui pose une question.
A qui va-t-on la poser cette question ?
François Blanchard, je voyais Boris Cyrulnik vous regarder,
donc je suppose .... Expliquez-nous ce paradoxe : le monde rajeunit,
et l'Alzheimer augmente.
Effectivement, moi j'aime bien la cause de Boris Cyrulnik car cela montre bien
à quel point la relation à l'autre est subjective et que
dans le cas d'une maladie, elle est encore plus subjective en fonction
du contexte culturel dans lequel elle se déclare
et de l'entourage qui réagit de telle ou telle manière, mais ça montre
bien que l'effort doit être fait pour rejoindre l'humain
quel que soit le contexte, et effectivement, je suis exactement comme
Boris Cyrulnik. Moi je suis très étonné de voir que tous les ans
mes étudiants rajeunissent.
C'est très étonnant !
Et bien écoutez, si vous aimez ces petits paradoxes,
cette vue de l'esprit extrêmement intéressante de Boris Cyrulnik,
je vous conseille son dernier livre qui s'appelle
"De chair et d'âme" aux éditions Odile Jacob
et puis le livre référence sur l'Alzheimer
"Vous avez dit démence ? Alzheimer" c'est François Blanchard
qui est le premier. Je suppose que c'est par ordre alphabétique,
Jean-Luc Novella en fait partie. Un ouvrage collectif ?
Un ouvrage pas collectif dans le sens où chacun écrit un chapitre,
mais un ouvrage de réflexion collective.
Beaucoup de ces chapitres sont signés de plusieurs, parce que c'est plusieurs
soirées de discussions, de réflexions qui ont abouti à cet ouvrage.
C'est aux éditions Le Bord de l'eau.
Je vous signale également le site de FRANCE ALZHEIMER
www.francealzheimer.org
et un numéro vert qui est tout nouveau, le 0811 112 112
je suppose Guy Le Rochais, pour poser toutes les questions et avoir toutes
les réponses sur l'Alzheimer.
Oui, en tout cas une part des réponses
parce qu'effectivement, quand le diagnostic est posé ....... et après ?
Et bien merci à nos invités, merci à vous. J'espère que vous
avez pris autant de plaisir à regarder cette émission
que moi à l'animer. On se retrouve très vite sur
PATIENTS TV. C'est très simple, vous allez sur votre ordinateur, vous
tapez P A T I E N T S.TV
et vous aurez, et bien une nouvelle émission. En attendant, portez-vous bien !
PATIENTS TV. Une émission animée par Jean-François Lemoine
avec la participation de
François Blanchard, Boris Cyrulnik, Jean-Luc Novella, Guy Le Rochais
Reportages Jean-François Le Cam
Réalisation Gilles Amado
Moyens Techniques EUROSON, FORCAST, FRENCH TV, MVS-PRODUCTIONS
TAPAGES, TATOU
Décors CLOPET CONCERT
Merci
au personnel du CHU de Reims
Mr et Mme Benichou, Mr et Mme Didiot, Mme Vidu
et aussi à l'ensemble des collaborateurs des Laboratoires JANSSEN-CILAG
Une émission conçue et réalisée par
MVS-PRODUCTIONS avec le soutien des Laboratoires JANSSEN-CILAG
© MVS-Productions / JANSSEN-CILAG Août 2007
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